La Réunion - 19 Juin 2022.

Bonsooooir
Aujourd'hui était la journée la plus INTENSE que j'ai pu passer sur l'île depuis mon arrivée. C'est sûrement dû à notre très récente ASCENSION DU PITON DES NEIGES oui oui.
Hier en fin d'après-midi, j'ai pris le Car Jaune au Barachois pour rejoindre Marie (avec qui j'ai fait la randonnée à Mafate) à Saint-Pierre. Elle est venue en voiture me récupérer à la gare routière.
On est allées manger un bon plat de pâtes bien consistant dans le centre de Saint-Pierre. Ensuite on est allées chez elle : elle loge dans une petite chambre chez l'habitant dans une grande maison chez une famille de Réunionnais. Elle a fini de préparer son sac avec ses affaires pour la randonnée, et ensuite on a regardé quelques épisodes de série. On a aussi tenté de faire une sieste mais malgré une demi-heure passée allongées au lit dans le noir, ni elle ni moi n'avons réussi à nous endormir (très sûrement l'excitation).
Plus tard, vers 23h30 on a rejoint Anna et Mariama, deux autres filles qui étaient aussi motivées pour faire le Piton des neiges ce week-end. On a fait la route en voiture au départ de Saint-Pierre donc, direction Cilaos.
C'était la PIRE route imaginable pour une personne qui a rapidement le mal des transports quand elle est passagère en voiture (moi).
La route s'appelle tout simplement : "la route aux 400 virages". Pas besoin d'aller chercher plus loin dans la description, elle compte littéralement 420 virages en 30 kilomètres. C'est bon ?
C'est une route mythique de La Réunion, qui mène relativement haut dans le cirque de Cilaos, jusqu'au "bloc" : le point de départ de certaines randonnées dans ce cirque. C'est une route évidemment très sinueuse qui grimpe continuellement, avec une division de la chaussée qui passe toutes les deux secondes de deux voies à une seule. Il faut donc faire des appels de phares et/ou klaxonner avant chaque virage pour être bien sûres que personne n'arrive en face. Parce que je le rappelle, c'est la nuit noire. C'était pas assez difficile de faire le Piton des neiges ah non non non, on a préféré ajouter un maximum de fun en randonnant la nuit !! Su-per
Le long de la route des 400 virages il y a aussi des tunnels creusés dans la roche, d'une seule voie, non-éclairés, un véritable plaisir pas stressant du tout !! Sans mentionner les énormes pierres et roches qui ont chuté et qui sont dispersées un peu partout sur la route, qui rappellent toutes les cinq minutes qu'à n'importe quel moment de nouvelles roches peuvent nous tomber dessus.
Après une heure de route on arrive dans le village de Cilaos, et il faut alors continuer encore pour aller jusqu'au bloc et démarrer la randonnée. On y était presque au moment où on a dû faire une courte pause parce que l'une d'entre nous (moi) avait trop mal au ventre et besoin de prendre l'air avant de rendre ses pâtes.
On est finalement arrivées au bloc de Cilaos (victoire) et c'était parti pour commencer la randonnée. J'étais équipée grâce à plein de personnes autour de moi qui m'ont prêté plein d'affaires à la seconde où j'ai annoncé que je ferai le Piton ce week-end. J'avais juste mes chaussures de marche, mon legging de sport et un sweat. On m'a prêté une écharpe, une grosse polaire, une doudoune The north face, une lampe frontale et une couverture de survie. Avec tout ça + deux litres d'eau chacune + des provisions alimentaires + mon appareil photo, on était parées.
On a commencé la randonnée à 1 heure du matin. C'était parti pour grimper à 3070 mètres d'altitude, jusqu'au point culminant de l'Océan Indien.
La randonnée commence immédiatement avec un dénivelé important, donc pas le temps de réfléchir ou de s'adapter à quoi que ce soit, ça monte tout de suite, il faut juste grimper. J'avais encore mal au ventre à cause du trajet en voiture, et ce mal de ventre n'est tout simplement JAMAIS parti de toute la randonnée.
C'était assez intense de marcher de nuit, déjà parce qu'on ne voyait pas du tout de paysage ou autre, mais aussi parce que c'était assez stressant de devoir être hyper-attentives chaque seconde pendant des heures. Au début, Mariama avait vraiment beaucoup de mal parce qu'elle nous expliquait qu'elle a peu de cardio et son coeur battait vite et fort. On faisait des pauses régulières pour l'attendre et pas la laisser toute seule dans la forêt en plein milieu de la nuit. On avançait tranquillement, chacune à notre rythme.
Anna était très souvent devant, puis Marie et moi on marchait plus ou moins à la même vitesse, et Mariama était plus lente mais nous rejoignait toujours. Le sentier était parfois de la terre, parfois de la boue, des marches en pierre, en bois, quelques échelles. C'est des lacets courts, abrupts, recouverts de cailloux.
On a marché 3 ou 4 heures comme ça jusqu'au gîte du Piton des Neiges, aussi appelé le Refuge de la Caverne Dufour. C'est ici que les personnes qui font la randonnée en deux jours font une pause pour dormir et repartir le lendemain. On a donc rejoint plein d'autres randonneurs à cet endroit, soit qui faisaient la randonnée en une fois comme nous, soit qui avaient commencé hier et qui se réveillaient au milieu de la nuit pour finir la montée.
On a fait une petite pause pour s'asseoir, aller aux toilettes, manger un peu de sucré et se déshabiller un peu parce qu'à force de marcher non-stop on avait toutes hyper chaud dans nos polaires et doudounes.
Après la pause, c'était reparti pour la seconde partie de montée, la plus dure, jusqu'au sommet. Alors là ça rigolait plus du tout. Autant avant le gîte, on marchait dans des chemins en lacets, avec des marches de terre relativement accessibles, autant la suite n'avait plus rien à voir.
Du gîte au sommet, il faut marcher sur des roches et des énormes blocs de lave. De nuit, à la frontale, avec l'humidité (et quelques gouttes de pluie parfois) c'était vraiment une épreuve. Il fallait faire attention aux glissades et à ses chevilles en général parce que la marche se base entièrement sur la confiance que l'on fait aux blocs sur lesquels on pose le pied. Si le bloc roule, disons que c'est la merde. Il faut sauter de bloc en bloc en suivant les traces de peinture blanche qui sont peintes régulièrement pour nous aider à trouver le chemin.
La deuxième partie de montée était très dure, ça devenait vraiment long de monter dans le noir sans rien voir. On a dû forcer au niveau du mental pour que le corps suive et grimpe encore les kilomètres restants. Je n'ai JAMAIS de ma vie fait quelque chose d'aussi intense physiquement, autant simplement au niveau de mon corps que garder le mental et la motivation en me disant que tout est dans la tête. C'était vraiment éreintant.
Heureusement on était plusieurs, autant dans notre groupe de filles qu'avec les autres randonneurs et randonneuses qui avaient décidé de grimper là-haut la même nuit que nous. Tout le monde s'entraidait, faisait des pauses ensemble, se disait que tout se mérite, qu'on allait y arriver, qu'il restait plus beaucoup d'effort à fournir même si on voyait bien que la pointe était encore loin. Même si j'avais encore très mal au ventre et le coeur qui battait fort, d'autres personnes étaient dans un état bien pire et devaient faire des pauses pour vomir. Dans le dernier kilomètre se sont ajoutés les effets de la raréfaction de l'oxygène et il fallait vraiment tout donner, c'était vraiment intense.
Petit à petit il y a de moins en moins de cailloux et on commence à marcher sur des gravillons ou de la terre moins stable. Il n'y a plus du tout de végétation et tout est sec et coupant.
Il faisait froid, ça rigolait plus du tout, il y avait du vent, du verglas, des gouttes de pluie, je n'avais pas de gants et j'avais les doigts gelés. Sur la fin j'ai vraiment cru que je n'allais pas y arriver.
ET LÀ
Dame Nature qui nous donne le coup de pouce dont on avait besoin pour se dépasser : des lueurs rouges sang magnifiques à l'horizon.
Alors là on a compris que le soleil n'allait pas tarder à se lever alors ça nous a donné la motivation et l'adrénaline de finir les quelques mètres pour arriver au sommet. La lumière rouge au loin était vraiment magnifique, je n'avais jamais vu quelque chose de pareil de ma vie c'était sublime. Malheureusement je n'avais pas du tout la force de sortir mon appareil photo de mon sac avec mes doigts gelés pour immortaliser ça, mais j'ai l'image bien bien ancrée dans la tête.
On a tout donné sur les derniers mètres et on est ENFIN arrivées en haut avec Anna et Marie. Mariama est arrivée quelques temps après. On était toutes trop fières de nous, d'avoir réussi à nous dépasser comme ça pour arriver ici.
On a regardé le soleil se lever, c'était super beau le ciel est passé par plein de teintes violettes, rouges, cuivres, rosées, orangées, jaunes, c'était très très très beau.
Il faisait très froid, on a essayé de se réchauffer avec les couvertures de survie et en restant en mouvement mais nos corps se refroidissaient quand même relativement vite alors on a repris la route pour faire la descente avant que nos muscles se refroidissent.
C'était une toute autre ambiance, on a enfin pu voir le paysage et comprendre exactement par où on était passées pendant la nuit. La descente était pour moi limite la partie la plus compliquée. Le corps est déjà exténué, et il faut repartir pour refaire à nouveau la même distance...
Depuis ma fracture de la cheville il y a quelques années, elle me refait mal quand je vis des changements de températures rapprochés, et aussi quand je fais des efforts intenses, autant dire que là elle me lançait pas mal. Je me suis plus ou moins tué le genou gauche en faisant du vélo dans le sable (oups) l'été dernier, alors là avec ma cheville droite et mon genou gauche qui me lâchaient c'était vraiment pas évident.
Globalement mes jambes tremblaient relativement fort du début à la fin de la descente, et ma cheville et mon genou se dérobaient très régulièrement aussi, ce qui ne créait pas les meilleures conditions pour marcher.
Heureusement, Marie a aussi beaucoup de mal en descente alors on restait toutes les deux à notre rythme et on a été rejointes par Mariama qui en pouvait plus sur la fin non plus.
On a refait une pause au Refuge de la Caverne Dufour pour se nourrir un peu, et ensuite on est reparties. On en pouvait vraiment plus et je pense qu'à ce stade, avec quasiment 10 heures de marche dans les pattes, on avait toutes très hâte de rentrer dormir enfin.
Après le gite, la fin de la descente était magnifique. J'avais l'impression de marcher dans un rêve tellement c'était beau, il y avait tellement de plantes, d'oiseaux, de ruisseaux, de fleurs, d'arbres, de paysages, c'était incroyable. C'était dingue de se dire qu'on était déjà passées par là pendant la nuit.
On est ensuite enfin arrivées au bloc de Cilaos, où la voiture était garée. Le stress et la pression sont retombées d'un coup et j'ai vraiment cru que j'allais me mettre à pleurer, j'étais épuisée.
Et ensuite rebelote, trajet retour en voiture par la route des 400 virages où j'ai manqué de m'endormir toutes les cinq minutes. Les filles m'ont redéposée à la gare routière de Saint-Louis où, tel un déchet humain, j'ai pu poser mes fesses dans un Car jaune en direction de Saint-Denis. Arrivée au Barachois je me suis ensuite traînée difficilement jusqu'à chez moi avant de tomber comme une pierre sur mon lit et de m'endormir.

UPDATE : j'ai eu des courbatures partout pendant 3 jours, descendre des escaliers frôlait l'impossible. Mais ça valait le coup !

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